Un livre se faisant

Chronique

Dictionnaire de la Commune
Bernard Noël

Introduction

Après Blanqui, L’Enfermé de Gustave Geffroy et Les «Pétroleuses» d’Édith Thomas dont nous avons réalisé de nouvelles éditions, avec pour chacun d’eux une préface de Bernard Noël qui nous a confortés dans ces choix, l’accueil de son Dictionnaire de La Commune pour l’anniversaire des 150 ans de celle-ci allait de soi. Cet ouvrage de référence ayant été publié pour la première fois chez Hazan en 1971, année du centenaire, le Dictionnaire de La Commune a aujourd’hui 50 ans; que de bougies alentour et de lumières qui se perpétuent! Il fut également édité par Flammarion puis chez Mémoire du Livre qui a cessé son activité en 2011. Nous serons très heureux de pouvoir vous proposer bientôt cette somme; plus de huit cent pages et bien davantage encore de chemins à parcourir d’un article à l’autre à la découverte de ce qui fit humanité durant ces quelques mois de 1871 et bruit encore aujourd’hui.

Au fur et à mesure de l’édition de l’ouvrage; saisie, première de couverture et actuellement maquette intérieure, nous partagerons avec vous sur cette page des articles, entretiens, images, pièces passées présentes et à venir autour de ce livre qui va se faisant pour le printemps, le 28 mars étant la date anniversaire de la proclamation de la Commune.
En vous souhaitant de bonnes lectures…

 

Le fond (13/01/21)

Et si l’on commençait non par la fin mais par le fond; à la lettre “i" nous trouvons l’article Idéologie  dont voici la teneur:

Idéologie.
La tentation, surtout dans un dictionnaire, serait de ramener toute la pensée de la Commune à une définition. C’est un vieux complexe: on veut posséder, on veut savoir. Toute notre tradition culturelle est une tradition de propriétaires. Il s’agit de s’approprier, et vite, l’essentiel. La Commune est révolutionnaire en ce sens, aussi, qu’il n’y a pas moyen de la réduire à ce point. On peut énoncer les courants qui la composent: le jacobinisme, hérité de 1793, le blanquisme, le proudhonisme, un peu d’anarchisme et de marxisme; on peut aussi définir le communalisme. Mais la Commune engendre un sens qu’elle ne contient pas tout entier – un sens qui la dépasse, mais qui n’existerait pas sans elle. Tout vient peut-être de ce que la Commune est plus durable qu’elle n’a duré, de sorte que sa lumière voyage encore. Les options par rapport à la Commune l’ont en effet infiniment prolongée: relire Marx ou Lénine, c’est refaire la Commune, relancer son élan le plus fécond, puisqu’elle représente, dans l’œuvre de ces deux hommes, le modèle de l’État révolutionnaire. Aussi l’idéologie de la Commune, l’idéologie pour nous, est-elle autant dans son «après» que dans l’événement lui-même. Paradoxalement, et sur un tout autre plan, la répression terrible de la Commune, voulue par la bourgeoisie, devait s’inscrire dans l’histoire de cette même bourgeoisie comme un «traumatisme» dont elle ne s’est jamais guérie. En somme, la Commune «excède».

 

Un entretien (05/02/21)

Au printemps 2014, Joël Delon et Frédéric Miler ont conduit un entretien avec Bernard Noël pour la revue Solidaritat à propos du Dictionnaire de la Commune et, coïncidence, ils commencent comme sur cette page par le même article; nous les remercions de nous avoir autorisés à suivre leur cheminement en publiant cet échange sur notre site:

Nous avons proposé à Bernard Noël quelques questions au sujet de son livre Dictionnaire de la Commune (ouvrage qui est une référence importante dans l’histoire du mouvement du 18 mars 1871). Si les citations sont nombreuses, c’est aussi en hommage à l’énorme travail de lecture et d’écriture qu’a réalisé Bernard Noël pour ce livre.
À partir d’elles, nous avons essayé –peut-être maladroitement?– de permettre à Bernard Noël la poursuite d’une réflexion sur la Commune dont le dernier état, à ce jour, est la belle préface à la troisième édition du Dictionnaire. Qu’il soit ici vivement remercié de son amicale participation.

J.D. – F.M. – «Mais la Commune est comme un poème: elle engendre un sens qu’elle ne contient pas tout entier — un sens qui la dépasse, mais qui n’existerait pas sans elle. Tout vient peut-être de ce que la Commune est plus durable qu’elle n’a duré, de sorte que sa lumière voyage encore, bien que son étoile ait fini d’exploser». C’est ce que tu écris dans l’article Idéologie de ton Dictionnaire de la Commune, stimulante initiation d’ailleurs à ce voyage. Quant à l’étoile –et son image– qu’est-elle aujourd’hui? La Commune comme question continue à propos de la Sociale, n’est-ce pas un de ses sens?

B.N. – Je signe toujours votre citation avec un doute au sujet du mot «étoile», qui demeure juste quant à la direction qu’elle indique, mais a-t-elle explosé? Je me dis aussi bien qu’elle a été préservée de l’explosion par son massacre, et sans doute faut-il également attribuer à ce massacre la préservation de son «sens», et même son intensification. Les massacreurs de la Commune voulaient la faire disparaître en même temps qu’effacer sa trace. Ils n’ont pas lésiné sur les moyens et cependant obtenu le résultat contraire. Il est probable que, laissée à son destin, la Commune se serait détruite elle-même suite à la prise de pouvoir des Jacobins. Toute l’ambiguïté révolutionnaire est là: il faut que la Révolution prenne le pouvoir mais il faut qu’elle s’en défasse aussitôt en le déléguant à la Sociale, c’est-à-dire à des élus qui demeurent sous la surveillance de leurs électeurs au lieu d’aller exercer loin d’eux le pouvoir qui vient de leur être délégué. La Commune doit son attraction durable, et donc son SENS, à ce double mouvement de confiance et de contrôle, qui change la nature du pouvoir en faisant de lui un service et non un acquis porteur d’abus… (Lire l’intégralité de l’entretien)

 

Un article (15/02/21)

Propos de Bernard Noël publiés par le journal l’Humanité le 11 janvier 2011 sous le titre “Penser ce qui précède Jaurès"

Je reprends cette phrase, «l’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine». Tout dépend du contexte où elle a été écrite. Cela m’a donné envie d’essayer de penser un peu ce qui précède Jaurès, soit tout ce qui se passe en France entre la fin de la Commune et le début du XXe siècle, c’est-à-dire toute l’histoire de la formation du socialisme. Cette formation est soit un peu masquée, soit un peu oubliée. Quand je lis «l’humanité n’existe point encore», j’imagine que cela doit avoir un rapport avec une société dont Jaurès rêve la formation mais qui n’est pas encore là. Je me dis que cette société a eu, par moments, des sursauts d’existence qui chaque fois ont été détruits, tantôt par la répression, tantôt par elle-même. La forme idéale qu’aurait dû revêtir cette société, c’est évidemment le communisme, et qu’est-ce qui a trahi le communisme, hélas, c’est le communisme. (Lire l’intégralité de l’article)


Un parcours (02/03/21)

Nicole Martellotto, créatrice de l’Atelier Bernard Noël, nous propose de découvrir le parcours de ce livre…

Le Dictionnaire de la Commune de Bernard Noël paraît le 18 mars 1971, à l’occasion du centenaire de l’insurrection. Il deviendra vite une référence et sera réédité en 1978, 2001 et 2021. En laissant le lecteur libre de construire l’Histoire, il est en soi une façon révolutionnaire de rendre compte d’une révolution. Ce Dictionnaire a la particularité d’être écrit par un grand nom de la littérature, ce qui confère à ses articles une force et une beauté tout à fait uniques. Lorsqu’il l’a conçu, Bernard Noël a voulu créer “un nouveau genre littéraire [1]”. Pourquoi et comment a-t-il rédigé ce gros volume? Il nous faut revenir en mai 1968… (lire l’intégralité du propos)


Une souscription (02/03/21)

Autant le ressourcement à un tel ouvrage nous paraît aujourd’hui indispensable, autant son édition, depuis la saisie jusqu’à la diffusion, réclame un investissement aussi exaltant que périlleux dans la période que nous traversons; depuis novembre 2019 tous les salons auxquels nous devions participer ont été annulés. Mener à bien une souscription avant la sortie de ce livre nous permettrait d’amorcer sa diffusion au moment de la parution afin qu’il puisse prendre son essor.
(accéder à la souscription sur Ulule)


La vie quotidienne sous la Commune (15/03/21)

Le 26 juin 1971 France Culture diffuse un entretien avec Bernard Noël conduit par Harold Portnoy, suite à la parution de son dictionnaire.

Hier, il y a 100 ans, c’était la Commune. Que sait-on de la vie quotidienne des gens durant cette période d’effervescence et de tempête? Que peut-on dire des prises de conscience occasionnées par ce moment en rupture de continuité? Bernard Noël est l’auteur d’un Dictionnaire de la Commune qui vient de paraître aux éditions Fernand Hazan. Je lui ai tout d’abord demandé pourquoi il a traité ce sujet.

Ce qui m’a donné envie de parler de la vie quotidienne d’il y a 100 ans c’est celle que j’ai connue en mai 1968. Indépendamment de tout ce qui se passait par ailleurs, ce que j’ai trouvé de très touchant en mai 68 c’est que, tout à coup, il n’y avait plus de ghetto entre les gens: on pouvait parler avec n’importe qui dans la rue, cela n’avait rien d’équivoque. Brusquement, il n’y avait plus d’intellectuels, d’ouvriers, ou de paysans –ce sont des catégories grossières… Même les gens qui vivaient à l’intérieur d’un même immeuble et qui ne se parlaient sans doute jamais, tout à coup discutaient ou échangeaient des choses… (lire la suite de l’entretien)

 

Le Dictionnaire de la Commune, un poème (28/03/21)

Article de Luc Grand-Didier paru dans le n°981-982 de la revue Europe (janvier-février 2011).

«La Commune de Paris fut PLUS et AUTRE CHOSE qu’un soulèvement. Elle fut l’avènement d’un principe, l’affirmation d’une politique. En un mot, elle ne fut pas seulement une révolution de plus, elle fut une révolution nouvelle […] portant tout un programme original et caractéristique. Le jour où tout cela sera bien compris, tout sera sauvé.» Arthur Arnould
Il est des fulgurances qui laissent derrière elles un sillage durable. Le temps est sans prise sur elles et, longtemps après, leur rumeur nous parvient –bruit de fond que rien n’épuise, voix sans âge qui nous parle toujours et semble indiquer quelque chose de proche, d’atteignable, quelque chose à portée de rêve ou de main… (Lire l’intégralité de l’article)

À suivre…

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